Manifestations contre la vie chère et émeutes à Saint-Quentin (France) à la fin de l’été 1911.

Entre 1909 et 1914, en France, les prix sont élevés et augmentent régulièrement, surtout ceux des loyers et des produits alimentaires. Parallèlement, les salaires des ouvriers stagnent. Ainsi le pouvoir d’achat diminue et le phénomène de la vie chère apparaît. Pendant cette période, les produits d’épicerie (dont le vin) augmentent de 57 %, les farineux et féculents de 23 %, les produits laitiers et les œufs de 18 %.

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Les syndicats ouvriers se mobilisent et mènent une campagne de protestations contre la vie chère, organisant des grèves et des manifestations, principalement à Paris. Cependant des mouvement populaires spontanés apparaissent, portés au début par les femmes, qui sont aux premières loges pour se rendre compte de la montée des prix, puisque ce sont elles qui approvisionnent leur ménage en nourriture et gèrent le budget familial.

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Le mouvement part de la région Nord où règnent des malaises profonds : salaires médiocres, chereté des produits, souvent de mauvaise qualité. Ces femmes saccagent les marchés et forcent les commerçants à vendre les produits aux prix qu’elles estiment justes. Elles inventent même une chanson, « l’Internationale du beurre à 15 sous ».

Malgré des signes avant-coureurs, les halles de Saint-Quentin ne sont pas épargnées. Le 30 août 1911, près de 1200 manifestants se rassemblent au petit matin dans les faubourgs et se rendent en ville où ils saccagent le marché en moins d’une demi-heure. Les émeutiers continuent à s’en prendre aux commerces tout le long de la journée, sans trouver de force de police capable de les arrêter. En fin d’après-midi, la gendarmerie à cheval et deux compagnies d’infanterie sont mobilisées pour disperser les émeutiers, sans toutefois parvenir à empêcher les dégradations.

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« Partout où s’ouvre une boucherie ou une charcuterie, les émeutiers s’en donnent à cœur-joie. »

Le lendemain, les cavaliers mènent le cortège des manifestants pour assurer leur sécurité. Cela n’empêche pas le saccage de nombreux commerces, surtout dans les faubourgs : « Le soir de ce même jour, jeudi à 6 heures 1/2, les scènes de désordre reprennent avec plus de gravité encore. Derrière les avant-gardes des cortèges composés de gamins de 10 à 15 ans au plus, chevauchent très paternels de bons et braves gendarmes qui ont l’air d’assurer l’ordre dans le désordre et de protéger les manifestants. Dans la rue Jean-de-Caulaincourt, une bande assaille la boucherie Marécat, puis elle se porte dans le faubourg Saint-Jean […] où elle commet des déprédations […] ; partout où s’ouvre une boucherie ou une charcuterie, les émeutiers s’en donnent à cœur-joie. » (Les émeutes de Saint-Quentin, voir sources en bas de page).

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Cliquez sur les images pour les agrandir.

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Épiceries incendiées, commerces dévastés, c’est, d’après le rapport de l’Union commerciale de Saint-Quentin, 46 établissements qui sont attaqués dans les différents quartiers. Les cuirassiers du 87e régiment d’infanterie sont mobilisés, sur ordre du sous-préfet. Les émeutiers se dispersent et la police procède à un certain nombre d’arrestations.

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« Si des ordres décisifs n’étaient venus de haut, nous aurions eu d’autres malheurs à déplorer. »

La municipalité, dépassée, est, selon l’Union, responsable des dommages subis par les commerces : « C’est elle qui, d’atermoiements en atermoiements, a laissé l’émeute grandir et se développer. C’est elle qui n’a pas su user des forces dont elle disposait, qui n’a pas dès l’abord réquisitionné le 87e [régiment d’infanterie], n’a pas remis – une fois son impuissance constatée – ses pouvoirs au sous-préfet, n’a pas donné l’ordre de repousser les émeutiers, et a obligé le sous-préfet à se substituer à elle. Si des ordres décisifs n’étaient venus de haut, nous aurions eu d’autres malheurs à déplorer. » (Les émeutes de Saint-Quentin, voir sources en bas de page).

Les photographies présentées ici datent pour la plupart du 2 septembre 1911. Elles montrent les manifestations encadrées par les forces de police, les forces armées et la gendarmerie, qui se sont poursuivies dans les jours qui ont suivi les émeutes.

Négatifs sur verre, Agence Rol, domaine public. Source Gallica.bnf.fr / BnF
Sauf la dernière : négatif sur verre, domaine public, Library of Congress

Sources :
• Jean-Marie Flonneau, « Crise de vie chère et mouvement syndical. 1910-1914 », dans Le mouvement social : bulletin trimestriel de l’Institut français d’histoire sociale numéro 72, Les éditions ouvrières, 1970. http://bit.ly/2C8lm5e
Les émeutes de Saint-Quentin. Responsabilité des communes et de l’État dans les dégâts commis par les rassemblements armés et non armés. Rapport de M. Louis Vatin, vice-président de l’Union commerciale de Saint-Quentin, 1911. http://bit.ly/2nLMQcL
• Guillaume Davranche, « Ménagères et locataires contre la vie chère », dans Trop jeunes pour mourir. Ouvriers et révolutionnaires face à la guerre (1909-1914), Éditions Libertalia / Insomniaque éditeur, 2014.
http://bit.ly/2FFElcy

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