Gustave Le Gray, Brick au clair de lune, 1856. Papier albuminé à partir de deux négatifs sur verre.

Le cabinet d’Arts graphiques du musée Condé à Chantilly propose, du 30 octobre 2018 au 6 janvier 2019, une exceptionnelle exposition consacrée aux primitifs de la photographie. Les clichés proviennent de la précieuse collection du duc d’Aumale (1822-1897), fils du roi Louis-Philippe, qui a légué le château de Chantilly à l’Institut de France.

Une collection représentative de la photographie du XIXe siècle

La collection de photographies du château de Chantilly comprend 1400 clichés et recouvre la génération des pionniers de la photographie, avec notamment Édouard Baldus, Gustave Le Gray, Adolphe Braun, les frères Bisson ou Roger Fenton. C’est l’œuvre d’un collectionneur passionné, qui a vu dans la photographie un art nouveau et s’est attaché à en rassembler aussi bien des thématiques variées – architecture, paysages, marines, archéologie, actualité, portraits – que les différentes techniques de l’époque, du daguerréotype aux premiers procédés couleur.

C’est ainsi que la sensibilité et le vécu du duc d’Aumale apparaissent comme le fil rouge de l’exposition.

Une collection personnelle

Les vues de Paris par Baldus, qui participe à la Mission héliographique commandée en 1851 par la Commission des Monuments historiques, font écho à l’exil du duc d’Aumale de 1848 à 1871. Chassé de France à la chute de la monarchie de Juillet, il a souhaité, en exil, s’entourer des vues de la capitale alors en pleine transformation.

Édouard Baldus, Paris. L’Hôtel de Ville et le pont d’Arcole, vers 1855. Tirage papier salé à partir d’un négatif sur verre.

Édouard Baldus, Paris. Le Louvre et les Tuileries vus de la cour Napoléon, vers 1860. Papier salé à partir d’un négatif sur verre.

Les frères Bisson, Paris. La Seine et la façade méridionale du Louvre pris du Pont-Neuf, avant 1855. Papier salé légèrement albuminé à partir d’un négatif sur verre.

Les vues d’Algérie éveillent le souvenir des missions militaires dans lesquelles il s’est illustré, comme la prise de la Smalah d’Abd el-Kader, de même que les vues archéologiques témoignent de son goût pour le voyage et l’antique.
Anonyme, Femme orientale allongée avec un narghilé au pied, vers 1855. Tirage sur papier salé à partir d’un calotype.
Anonyme, L’Acropole d’Athènes, vers 1860. Papier salé ciré.
De sa mère, la reine Marie-Amélie, il hérite d’une série de portraits des familles royales d’Europe. Les portraits sont les photographies les plus anciennes conservées à Chantilly ; sur l’une d’elles, on voit le duc d’Aumale en compagnie de son frère, le prince de Joinville, en 1848.
D’après Antoine Claudet, Le duc d’Aumale et le prince de Joinville, en 1848 à Claremont.

Le duc d’Aumale fait photographier ses propres collections d’art ou acquiert des clichés de tableaux à comparer avec des œuvres de sa collection. Il possède notamment des clichés de tableaux de Jean-Léon Gérôme réalisés par Robert Jefferson Bingham, de La Joconde par Gustave Le Gray, du Moïse de Michel-Ange ou encore des porcelaines de Sèvres de l’Exposition universelle de 1855 par Louis-Rémy Robert.

Enfin, les très belles vues des Alpes par Adolphe Braun révèlent le goût du duc pour la randonnée en montagne, mais peut-être plus encore pour la photographie en tant qu’art.

Adolphe Braun, Vue suisse. Zermat et le mont Cervin, entre 1863 et 1865 (tirage avant 1871). Papier albuminé à partir d’un négatif sur verre.

Adolphe Braun, Vue suisse. Lac noir à Zermatt et le Gabelhorn, entre 1863 et 1865 (tirage avant 1871). Papier albuminé à partir d’un négatif sur verre.

Les marines de Le Gray : le clou de la collection

Les pièces les plus remarquables et les plus célèbres de cette collection sont les cinq marines (1856-1858) de Gustave Le Gray, à la dimension hautement artistique. Elles ont été réalisées avec la technique des ciels rapportés, combinant au tirage des paysages tirés de négatifs sur papier et des ciels tirés de négatifs sur verre.

Si les photographies d’œuvres d’art peuvent répondre à un besoin documentaire, et les portraits à un désir de s’entourer d’images de ses proches, son acquisition des marines de Le Gray – et aussi des vues des Alpes de Braun – suggère que le duc n’était pas insensible à l’idée que la photographie pouvait être considérée comme un art à part entière.

Au-delà du duc d’Aumale, de ses goûts très sûrs et de ses coups de cœur de collectionneur, c’est donc toute une histoire de la photographie qui est racontée dans cette exposition.

Gustave Le Gray, Remorque au large, vers 1856-1857.
Toutes les photographies présentées dans cet article sont conservées au musée Condé, Chantilly. © Musée Condé

L’exposition : Primitifs de la photographie du XIXe siècle à Chantilly. De Baldus à Le Gray, jusqu’au 6 janvier 2019 au cabinet d’Arts graphiques du musée Condé, Domaine de Chantilly. Commissariat : Nicole Garnier-Pelle, conservateur général du patrimoine, musée Condé, Chantilly.

À lire : Primitifs de la photographie du XIXe  siècle. De Baldus à Le Gray, catalogue de l’exposition par Nicole Garnier-Pelle, Dijon, Éditions Faton, 2018.

 

Inscrivez-vous à notre newsletter

Pour recevoir une notification lorsque nous publions un article, ainsi que des nouvelles des collections publiques du monde entier et des rubriques en préparation.

Vous êtes inscrit(e) à notre newsletter. Merci !

Share This